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tive ; il répand des trésors d’élégance, il peint la nature, il en égale les richesses et les couleurs par l’éclat de son style ; souvent il laisse échapper cette abondance de sentiments tendres et passionnés, langage naturel de son cœur. Quelques endroits sont animés de cette logique lumineuse et pressante, dont il donna tant d’exemples dans ses débats avec Bossuet. Elle se trouve peut-être à un plus haut degré, et plus dégagée d’ornements dans ses Lettres sur la Religion, modèle d’une discussion sincère et convaincante : enfin, comme le style, suivant l’expression d’un ancien, est la physionomie de l’âme, tous les ouvrages de Fénelon, marqués d’une telle empreinte, ont quelque chose de rare et de touchant.

Son style a toujours un caractère reconnaissable de simplicité, de grâce et de douceur, soit dans les élans passionnés, dans le langage éloquemment mystique de ses Entretiens affectifs, soit dans la gravité de ses Directions pour la Conscience d’un Roi, soit dans la prodigieuse fécondité, dans la subtilité, dans la noble élégance de sa théologie polémique. Ce style n’est jamais celui d’un homme qui veut écrire ; c’est celui d’un homme possédé de la vérité, qui l’exprime, comme il la sent du fond de son âme. Et quoique dans notre siècle on admire de préférence une composition soignée, où le travail est plus sensible, où les phrases, faites avec plus d’efforts, paraissent enfermer plus de pensées, quoique la diction savante, énergique de Rousseau, paraisse à bien des juges le plus parfait modèle, il est permis de croire que le style de Fénelon, plus rapproché du caractère de notre langue, suppose un génie plus rare et plus heureux.

Fénelon a trouvé un historien digne de lui. M. de Bausset s’est livré aux plus curieuses recherches pour