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lon les cite avec éloquence, parce qu’ils sortent de son âme plus que de sa mémoire ; on voit que l’antiquité lui échappe de toutes parts. Mais, parmi tant de beautés, il revient à celles qui sont les plus douces, les plus naturelles, les plus naïves ; et alors, pour exprimer ce qu’il éprouve, il a des paroles d’une grâce inimitable.

Cette Lettre à l’Académie, les Dialogues sur l’Éloquence, quelques Lettres à La Motte sur Homère et sur les anciens, placeraient Fénelon au premier rang parmi les critiques, et servent à expliquer la simplicité originale de ses propres écrits, et la composition si antique et si neuve du Télémaque. Fénelon, épris des beautés de Virgile et d’Homère, y cherche ces traits d’une vérité naïve et passionnée, qu’il trouvait surtout dans Homère, et qu’il appelle lui-même cette aimable simplicité du monde naissant. Les Grecs lui paraissant plus rapprochés de cette première époque, il les étudie, il les imite de préférence ; Homère, Xénophon et Platon lui inspirèrent le Télémaque. On se tromperait de croire que Fénelon n’est redevable à la Grèce que du charme des fictions d’Homère : l’idée du beau moral dans l’éducation d’un jeune prince, ces entretiens philosophiques, ces épreuves de courage, de patience, l’humanité dans la guerre, le respect des serments, toutes ces idées bienfaisantes sont empruntées à la Cyropédie. Dans les théories sur le bonheur du peuple, dans le plan d’un État réglé comme une famille, on reconnait l’imagination et la philosophie de Platon. Mais il est permis de croire que Fénelon, corrigeant les fables d’Homère par la sagesse de Socrate, et formant cet heureux mélange des plus riantes fictions, de la philosophie la plus pure et de la politique la plus humaine, peut balancer, par le charme de cette réunion, la gloire de l’invention qu’il cède à chacun de ses modèles. Sans doute Fénelon a partagé les défauts de ceux qu’il imitait ;