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Quoique Fénelon ait beaucoup écrit, il ne parut jamais chercher la gloire d’auteur. Tous ses ouvrages furent inspirés par les devoirs de son état, par ses malheurs ou ceux de la patrie. La plupart échappèrent, à son insu, de ses mains, et ne furent connus qu’après sa mort. On a conservé quelques sermons, premier essai de sa jeunesse. La composition n’y est pas forte et soignée, comme dans les chefs-d’œuvre des grands orateurs de la chaire ; mais il y règne un aimable enthousiasme pour la religion et la vertu, une imagination facile et vive, une élégance naturelle, harmonieuse, poétique. Ce sont de brillantes esquisses tracées par un heureux génie, qui fait peu d’efforts. Cependant Fénelon avait beaucoup réfléchi sur l’art oratoire et sur l’éloquence de la chaire ; et ses études, à cet égard, se retrouvent dans trois dialogues à la manière de Platon, remplis de raisonnements empruntés à ce philosophe, et surtout écrits avec une grâce qui semble lui avoir été dérobée. Nous n’avons dans notre langue aucun traité de l’art oratoire qui renferme plus d’idées saines, ingénieuses et neuves, une impartialité plus sévère et plus hardie dans les jugements. Le style en est simple, agréable, varié, éloquent à propos, et mêlé de cet enjouement délicat dont les anciens savent tempérer la sévérité didactique. Cette production appartient à la jeunesse de Fénelon ; et l’on y sent partout ce goût exquis de simplicité, cet amour pour le beau simple qui fait le caractère inimitable de ses écrits. La Lettre sur l’Éloquence, écrite vers la fin de sa vie, ne renferme que la même doctrine, appliquée avec plus d’étendue, ornée de développements nouveaux, énoncée partout avec cette autorité douce et persuasive d’un homme de génie vieillissant qui discute peu, qui se souvient, qui juge : aucune lecture plus courte ne présente un choix plus riche et plus heureux de souvenirs et d’exemples. Fén-