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tion, et répandait tous les trésors de son facile génie.

Une occasion imprévue lui permit de développer avec plus de travail son éloquence naturelle. Le sermon qu’il prononça dans la cathédrale de Lille, pour le sacre de l’archevêque de Cologne, est un des morceaux les plus touchants et les plus parfaits de l’éloquence chrétienne. Les malheurs de la guerre, qui punirent enfin la longue gloire de Louis XIV, avaient amené les troupes ennemies dans le diocèse de Fénelon : ce fut pour le saint évêque l’occasion d’efforts et de sacrifices nouveaux. Sa sagesse, sa fermeté, la noblesse de son langage, inspiraient aux généraux ennemis un respect salutaire aux malheureuses provinces de la Flandre. Eugène était digne d’entendre la voix du grand homme, dont il connaissait le génie.

Parmi tant de soins et de travaux, Fénelon entretenait. une correspondance très-étendue avec les ecclésiastiques qui le consultaient, avec ses amis et ses parents, On y reconnaît toujours ce génie heureux et facile, auquel toutes les idées sages et nobles venaient naturellement sur tous les sujets. Plusieurs de ses lettres renferment tous les secrets de la science du monde, analysés avec la finesse d’un homme de cour, et exprimés dans le style de La Bruyère, écrivant sans effort. La situation de Cambrai, sur les frontières de la France, attirait auprès de Fénelon beaucoup d’étrangers ; ils ne l’approchaient, ils ne le quittaient que pénétrés d’une religieuse admiration. Sans parler de Ramsay, qui passa plusieurs années dans le palais de Fénelon, le fameux maréchal Munich et l’infortuné Jacques H ! sentirent le charme de son entretien et l’ascendant de sa haute sagesse. C’était le privilége de Fénelon de paraître également admirable aux yeux d’un prêtre, d’un politique, ou d’un homme de guerre, avantage, à la vérité, plus