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plus loin les inculpations personnelles ; et, recueillant les plus odieuses rumeurs, il cherchait à flétrir la pureté de Fénelon. Jamais l’indignation d’une âme vertueuse et calomniée ne se montra plus éloquente. Fénelon, dans une apologie, fit disparaître ces viles accusations ; et il fallut de nouvelles lettres de Louis XIV, rédigées par Bossuet, de nouvelles intrigues, et jusqu’à des menaces, pour arracher à la cour de Rome une condamnation, qui même fut adoucie dans la forme et dans les expressions. L’intérêt de cette controverse, si étrangère aux idées de notre siècle, est parfaitement conservé dans l’excellente histoire de Fénelon, par M. de Bausset ; et c’est là qu’on trouvera le tableau animé de la cour de Rome et de la cour de France, qui s’intéressent vivement à cette question frivole, agrandie par les opinions du temps et par le prodigieux talent des deux rivaux.

La longue et glorieuse résistance de l’archevêque de Cambrai avait encore aigri les ressentiments de Louis XIV ; et l’hésitation du pape à condamner Fénelon rendait sa disgrâce de cour plus irrévocable. Lorsque le bref si longtemps différé, obtenu par tant de discussions et d’intrigues, eut enfin paru, Fénelon se hâta d’y souscrire[1], et de se condamner lui-même par le mandement le plus touchant et le plus simple, dans lequel Bossuet ne manqua point de trouver beaucoup de faste et d’ambiguïté. La soumission modeste de Fénelon, son silence, ses vertus épiscopales, et l’admiration qu’elles inspiraient, ne lui auraient pas sans doute rouvert l’entrée de la cour de Louis XIV ; mais un événement inattendu vint irriter plus que jamais le cœur du monarque.

Le Télémaque, composé quelques années auparavant, a l’époque de la faveur de Fénelon, fut publié, quelques

  1. En 1699.