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lui arracha d’autres plaintes que ces paroles si touchantes, et si vraies dans sa bouche : « il vaut mieux que le feu ait pris à ma maison qu’à la chaumière d’un pauvre laboureur. »

Cependant Bossuet, après l’éclat de sa première déclaration, se préparait à poursuivre son rival, et semblait jaloux de lui arracher un désaveu. L’admiratrice, l’amie de Fénelon, madame de Maintenon, s’éloignait de lui avec une inconcevable froideur. Fénelon soumet son livre au jugement du saint-siége. Bossuet avait déjà composé des remarques, où la plus amère et la plus véhémente censure était entourée de toutes les expressions du regret et de l’amitié. Il proposait en même temps une conférence, à laquelle Fénelon se refusa, préférant défendre son livre au tribunal de Rome. Ce fut alors qu’il reçut l’ordre de quitter la cour, et de se retirer dans son diocèse. Cette nouvelle excita dans l’âme du duc de Bourgogne une douleur qui fait l’éloge de l’éducation de ce jeune prince. La cabale avait voulu profiter de la chute de Fénelon, pour renverser le duc de Beauvilliers ; il fut sauvé à force de vertu : et son dévouement même à la cause d’un ami malheureux intéressa la générosité de Louis XIV.

Malgré la volonté manifeste de ce prince, la cour de Rome hésitait à condamner un archevêque aussi illustre que Fénelon. Cette lenteur et cette répugnance, qui honorent le pape Innocent VIII, donnèrent carrière au talent de l’accusateur et de l’accusé ; et pendant que les juges balançaient, les écrits des deux adversaires se succédèrent avec une prodigieuse rapidité. La lutte changea d’objet. Après avoir épuisé le dogme, Bossuet se rejeta sur les faits ; et la relation du quiétisme, spirituellement et malignement écrite, semblait destinée à porter jusqu’à Fénelon une partie du ridicule inséparable de madame Guyon. L’abbé Bossuet, indigne neveu de Bossuet, étendait encore