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bientôt admise dans la société particulière du duc de Beauvilliers, accueillie par madame de Maintenon, autorisée à répandre sa doctrine dans Saint-Cyr, puis devenue suspecte à Bossuet, arrêtée de nouveau, interrogée, condamnée, fut le prétexte de la disgrâce de Fénelon. L’inexorable Bossuet n’aimait pas les subtilités mystiques, les raffinements de l’amour divin, dont l’imagination vive et tendre de Fénelon était trop facilement éprise. Bossuet voulut obtenir que le nouvel archevêque de Cambrai condamnât lui-même les erreurs d’une femme, dont il avait été l’ami. Fénelon s’y refusait par conscience et par délicatesse, craignant de compromettre des opinions qui lui étaient chères, voulant ménager une femme malheureuse, qui ne lui paraissait coupable que d’exagération dans l’amour de Dieu. Peut-être enfin, car il était homme, se trouva-t-il choqué de la hauteur théologique de Bossuet, qui le pressait, comme s’il eût voulu le convertir.

Fénelon publia ce trop fameux livre des Maximes des Saints, que l’on peut regarder comme une apologie indirecte, ou même comme une rédaction atténuante des principes de madame Guyon. Dans un siècle où une opinion religieuse était un événement politique, la première apparition de cet ouvrage excita beaucoup d’étonnement et de murmures. Tous ceux qui pouvaient être secrètement jaloux du rang et du génie de Fénelon, se déclarèrent contre les erreurs de sa théologie. Élevé au-dessus d’un sentiment honteux, mais inflexible, impatient de la contradiction, négligeant les égards et les bienséances mondaines, lorsqu’il croyait la religion compromise, Bossuet dénonça lui-même à Louis XIV, au milieu de sa cour, l’hérésie du nouvel archevêque. Au moment où Fénelon était frappé de ce coup sensible, l’incendie de son palais de Cambrai, la perte de sa bibliothèque, de ses manuscrits, de ses papiers, mit son âme à une nouvelle épreuve, et ne