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dans ce projet par les craintes de sa famille et la faiblesse de son tempérament, il tourna bientôt ses regards vers les missions du Levant, vers la Grèce, où le profane et le sacré, où saint Paul et Socrate, où l’église de Corinthe, le Parthénon et le Parnasse appelaient son imagination poétique et religieuse. Enchanté par les souvenirs d Athènes, il s’indignait à la pensée que cette patrie des lettres et de la gloire fût la proie des barbares : « Quand verrai-je, s’écriait-il, le sang des Perses se mêler à celui des Turcs dans les champs de Marathon, pour laisser la Grèce entière à la religion, à la philosophie et aux beaux-arts qui la réclament comme leur patrie ! » Ces divers enthousiasmes du jeune apôtre cédèrent cependant à de plus graves considérations. Et Fénelon, détourne de ces missions lointaines, se consacra tout entier à un apostolat qu’il ne croyait pas moins utile, l’instruction des Nouvelles Catholiques. Les devoirs et les soins de cet emploi, dans lequel il ensevelit son génie pendant dix années, le préparèrent à la composition de son premier ouvrage, le Traité de l’éducation des Filles, chef-d’œuvre de délicatesse et de raison, que n’a point surpassé l’auteur d’Emile et le peintre de Sophie. Cet ouvrage était destiné à la duchesse de Beauvilliers, mère pieuse et sage d’une famille nombreuse. Fénelon, dans la modeste obscurité de son ministère, entretenait déjà avec les ducs de Beauvilliers et de Chevreuse cette amitié vertueuse, qui résista également à la faveur et à la disgrâce, à la cour et à l’exil.

Il avait trouvé dans Bossuet un attachement qui devait être moins durable. Admis à la familiarité de ce grand homme, il étudiait son génie et sa vie. L’exemple de Bossuet, dont la religion toute polémique s’exerçait par des controverses et des conversions, inspira sans doute à Fénelon le Traité du ministère des Pasteurs, ouvrage dans lequel il combat les hérétiques avec plus de modération