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rantes. Mais l’emploi de ces assemblées peut être plus on moins heureusement ordonne. L’existence de deux assemblées, l’une héréditaire et aristocratique, l’autre élective et populaire, semble, par le raisonnement comme par l’exemple, offrir la meilleure combinaison. Voilà jusqu’à présent le système représentatif dans la perfection de sa forme. Il y a loin sans doute de cette perfection extérieure à la perfection de fait mille causes peuvent l’arrêter : l’éloquent auteur des Réflexions politiques, M. de Châteaubriand, a prévu et discuté la plupart de ces causes réelles ou possibles. Les événements n’ont rien changé à la vérité de ses observations ; et l’admirable vivacité de son langage a donné un nouveau caractère de durée à des idées que le bon sens seul rendrait éternelles. « La vieille monarchie ne vit plus pour nous que dans l’histoire, comme l’oriflamme que l’on voyait encore toute poudreuse dans le trésor de Saint-Denis, sous Henri IV. Le brave Crillon pouvait toucher avec attendrissement et respect ce témoin de notre ancienne valeur ; mais il servait sous la cornette blanche, triomphante aux plaines d’Ivry, et il ne demandait point qu’on allât prendre au milieu des tombeaux l’étendard des champs de Bouvines. »

M. de Chateaubriand avait également reconnu la marche générale de l’Europe vers l’ordre constitutionnel. Dans ce mouvement commun il voyait une nécessité et une garantie pour chaque État. On a depuis voulu affaiblir l’autorité de ces idées, auxquelles un grand écrivain avait prêté la puissance de son éloquence et de son nom. Mais les idées qui sont des principes ne dépendent pas du talent qui les exprime : elles existent par elles-mêmes : elles ont le bon sens pour auteur, et les faits pour témoins. Le progrès des arts utiles à la vie, la facile communication des peuples, le partage plus égal des connaissances et des lumières, l’imprimerie, voilà les causes qui secondent la liberté légale : elles ne pouvaient rencontrer d’obstacle que dans le plus horrible fléau de la société, la tyrannie militaire. C’est un bienfait pour l’Europe que ces idées de liberté se trouvent si puissantes à l’époque même où la force des armes a pris partout un prodigieux accroissement. Dans l’état présent des choses, l’Europe n’aura jamais que des gouvernements constitutionnels ou des gouvernements militaires ; et comme l’usurpation ne pourrait s’élever que par la force des armes, elle est essentiellement ennemie de toute