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d’alliance ? Y réussir ne serait pas le moindre fruit de la bataille d’Isly. Cette observation, loin d’être irrespectueuse pour la gloire militaire, est si juste qu’un noble général, M. le maréchal Bugeaud, dont l’esprit actif prenait feu sur tout projet d’utilité pratique ou d’œuvre intelligente, avait vivement accueilli la pensée d’une mission arabe-hellénique dans le Maroc. Un orientaliste, connu par des travaux analogues à la recherche projetée, M. Mac Guckin de Slane, savant traducteur de la Biographie des auteurs arabes de Ibn Khalikan, aurait accepté cette tâche que nul n’eût mieux remplie, et que je m’empressais de lui offrir, selon mon pouvoir officiel d’alors. — Quelque scrupule politique fit retarder une visite même littéraire dans le Maroc. Et, dans l’intervalle, bien des choses changèrent le ministre (et c’était la moindre de ces choses) disparut de l’administration avec son plan de découverte plus tard, le gouvernement fut enlevé, selon l’expression arabe, comme une tente posée pour une nuit. Et, parmi les malheurs naturels ou accidentels qui suivirent cette catastrophe, deux hommes faits pour rendre à leur pays bien d’autres services que de protéger avec une haute intelligence quelques investigations littéraires, lui furent malheureusement ravis. La France perdit M. le maréchal Bugeaud, l’homme qui par la pleine exécution d’une forte idée de politique et de guerre nous a finalement donné l’Algérie et l’a assujettie de telle sorte que les instabilités mêmes de la Métropole n’aient pas un moment ébranlé la soumission de la Conquête : elle le perdit, encore dans toute l’énergie de son activité, au milieu des justes honneurs rendus A ses services, et des justes espérances attachées à son nom.

Un autre homme de cœur et de talent, possédant lui-même ces notions érudites que M. le maréchal Bugeaud savait honorer et apprécier, le général Duvivier, devenu à cinquante ans littérateur arabe, comme plusieurs de nos jeunes et intelligents officiers, et s’étant remis aux études grecques avec une ardeur qui lui rendait surtout familiers Polybe, Strabon, Arrien, Procope, etc., avait adopté et pouvait accréditer mieux que personne cette idée de recherches savantes, à diriger au-delà même des possessions de la France en Afrique ; il transformait, en me parlant, l’idée que j’avais eue, et y donnait, par divers détails qui m’échappent en ce moment, une importance et une probabilité que je n’avais pas entièrement pres-