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HURONS ET IROQUOIS

Louis Martel, ainsi qu’il se nommait, était né de parents normands fixés au Canada depuis une trentaine d’années. Dès l’âge de seize ans il avait été séduit par la rude vie des coureurs des bois. Cette existence, si pleine de périls de toutes sortes, plaisait à son caractère énergique et aventureux ; aussi n’avait-il pas tardé à jouir, au désert, d’une réputation d’intrépidité qui lui avait valu le surnom de Sans-Peur, sous lequel nous le désignerons désormais.

Sa présence à l’endroit où nous le présentons au lecteur prouve suffisamment qu’il était digne du nom glorieux que lui avaient donné les Indiens et les coureurs des bois. En effet, à cette époque la France soutenait désespérément une lutte inégale contre l’Angleterre, qui dépensait sans compter les hommes et les millions pour nous arracher le Canada, objet de ses plus ardentes convoitises. Pour s’aventurer ainsi seul dans ces solitudes, il fallait que Sans-Peur fût réellement doué d’un courage à toute épreuve, car les Iroquois, alliés aux Anglais comme les Hurons l’étaient aux Français parcouraient sans cesse les forêts, tuant et pillant, non pour être agréables à ceux qui les employaient, mais afin de satisfaire leur cupidité et leur rage sanguinaire. Les Anglais eux-mêmes redoutaient leurs farouches alliés.

Sans-Peur était depuis une heure absorbé par ses pensées, quand un bruit vague lui fit dresser l’oreille.

Il se pencha en avant en écoutant attentivement.

— Ah ! ah ! fit-il soudain, qu’est-ce que cela ?

Et, d’un bond, il fut abrité derrière un rocher, le doigt sur la gâchette de son fusil.

Le bruit se rapprochait de plus en plus, et le Canadien distingua bientôt les pas précipités de plusieurs hommes.

Tout à coup, un Indien passa comme une flèche à travers un fourré et s’embusqua derrière un rocher, à dix pas à peine du chasseur, qui avait du premier coup d’œil reconnu un guerrier huron.