Page:Ville - Le chef des Hurons, 1900.djvu/74

Cette page a été validée par deux contributeurs.
74
le chef des hurons

En entrant dans le village, Sans-Peur se retourna pour attendre Niocébah, qu’il conduisit près d’un feu allumé par Taréas et devant lequel ce dernier était assis à côté de M. de Vorcel qui pâlit affreusement en voyant approcher son mortel ennemi.

Quant à Niocébah, il était froid et impassible.

Sur un signe du chasseur, il s’accroupit devant le feu.

Les Indiens ne discutent jamais en conseil sans avoir au préalable fumé le calumet. Dans les grandes circonstances ou lorsqu’ils sont entre amis, la même pipe sert pour tous. Dans le cas présent les rapports entre le colonel et le chef des Iroquois étaient trop tendus pour que le calumet circulât ; aussi, chacun bourra-t-il le sien.

Lorsque tous eurent fumé et que la cendre des calumets eût été vidée dans le foyer, Niocébah se leva et prit la parole.

— Je suis heureux, dit-il, que mes frères aient consenti à me recevoir au feu du conseil, car les paroles que vont souffler ma poitrine me sont inspirées par le Wacondah, et il eût été regrettable qu’ils ne les entendissent point. Que mes frères ouvrent donc leurs oreilles, un sachem va parler.

Il se recueillit quelques secondes, et continua :

— Autrefois, les Indiens vivaient en paix sur leurs territoires de chasse ; mais un jour des Visages-Pâles ont résolu de s’emparer de leurs biens et les ont refoulés loin des grands villages en pierre. Les enfants rouges du Grand Esprit ont vaillamment et longtemps combattu, mais vainement. Alors, ils se sont retirés au fond des déserts ; mais un chef de la prière, parlant d’un Dieu inconnu des Indiens, est venu s’installer sur cette colline avec des guerriers ayant renié le Wacondah. Les sachems des grandes tribus, réunis en conseil, m’ont envoyé vers le chef des Visages-Pâles pour lui enjoindre d’avoir à retourner immédiatement aux habitations, en emmenant avec lui tous ses guerriers. Si mon frère s’y refuse, sa chevelure et celles de ses amis orneront bientôt nos ceintures. Le sang est