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le chef des hurons

— Je n’ai été que l’instrument de la Providence ; c’est donc à Dieu que doit s’adresser votre reconnaissance. Maintenant, si vous le voulez bien, nous ne resterons pas ici plus longtemps, car il doit vous tarder de revoir votre fille.

— Hélas ! je tremble à l’idée de me trouver en sa présence. Que lui répondrai-je quand elle me parlera de sa mère ?

— Rassurez-vous à cet égard, vous n’avez plus rien à lui apprendre.

— Que voulez-vous dire ? fit anxieusement le colonel.

— Je veux dire que, prévoyant l’embarras dans lequel vous vous trouvez en ce moment, j’ai appris à cette pauvre enfant le malheur qui l’avait frappée, mais en prenant toutes les précautions nécessaires pour amortir autant que possible le coup terrible que je lui portais.

— Eh quoi ! mon Père, vous avez fait cela ? s’écria M. de Vorcel.

— Je l’ai fait, dit simplement le missionnaire.

— Soyez mille fois béni ! car je ne savais vraiment pas comment annoncer à ma fille cette affreuse nouvelle.

— C’est pourquoi je me suis chargé de ce soin.

— Vous avez toutes les délicatesses.

Le religieux sourit et invita d’un signe M. de Vorcel à le suivre.

Un quart d’heure plus tard, le colonel et son fils entraient dans la hutte de la jeune fille.

L’entrevue fut ce qu’elle devait être en pareille circonstance : triste et affectueuse. La joie de se revoir ne leur fit pas un seul instant oublier la chère morte.

Grâce à la prévenance du Père Florentin, Sans-Peur et les Canadiens avaient été immédiatement installés dans des huttes et mis à même de réparer leurs forces par un repas copieux qui, s’il n’était pas délicat, avait du moins l’avantage d’être sain et abondant.

Le lendemain matin, au moment où M. de Vorcel donnait des ordres pour le départ, un chasseur parut dans la plaine, accourant à toute bride.