Sans-Peur fit quelques pas afin de se rapprocher du centre du campement ; puis il cria d’une voix tonnante :
— M. de Vorcel a besoin de quelques hommes résolus pour l’accompagner au désert.
Les chasseurs étaient au nombre de deux cents. D’un bond, ils furent debout en disant gaiement :
— Voilà ! voilà !
— Eh bien ! fit en riant Sans-Peur, que vous ai-je dit ?
— Vous aviez raison.
— Voulez-vous les emmener tous ?
— Choisissez-en vingt.
Puis, s’adressant aux Canadiens :
— Messieurs, dit-il, je vous remercie de cet empressement, mais je n’ai besoin que de quelques hommes.
Sans-Peur désigna alors vingt chasseurs, qui, en cinq minutes, furent prêts à partir.
— Voyagerons-nous à pied ou à cheval ? lui demanda M. de Vorcel.
— À pied, mon colonel, à pied ; mes braves compagnons aiment mieux cela ; d’autant plus que, pour abréger la route, nous passerons par des chemins impraticables pour des chevaux.
En ce moment, le jeune Louis s’approcha du colonel.
— Mon père, dit-il, M. de Montcalm vient de m’apprendre que vous allez vous rendre près de ma sœur.
— C’est vrai, mon enfant.
— Ne puis-je vous accompagner ?
— C’est impossible.
— Pourquoi ?
— Parce que la route sera longue et pénible.
— Mais, mon père, j’ai seize ans !
Le jeune homme prononça ces mots du ton dont Louis XIV dut prononcer son fameux : l’État c’est moi !
— Votre fils a raison, dit Sans-Peur au colonel,
— Eh quoi ! vous voulez ?…