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LE CHEF DES HURONS

mandé par Taréas, se tenait immobile, attendant le moment de marcher au combat. Tous étaient peints et armés en guerre.

Vers midi, les tambours battirent l’assemblée, et les soldats s’empressèrent de rejoindre les compagnies auxquelles ils appartenaient.

Les Hurons avaient déjà disparu dans les bois.

Le général semblait soucieux.

— Je ne sais pourquoi, dit-il au colonel de Vorcel, qui se tenait près de lui, mais je suis inquiet, non pour moi, car en venant au Canada j’ai fait le sacrifice de ma vie, mais pour tous ces braves soldats.

— Que craignez-vous donc, général ?

— Un batteur d’estrade m’a appris tout à l’heure que les Anglais ont fait des préparatifs formidables ; leur nombre, paraît-il, se monte à quinze mille hommes ; aussi n’ai-je marché qu’en apprenant qu’ils s’avançaient vers Québec.

— Bah ! la victoire est toujours dans la main de Dieu et dans celle du général s’il sait profiter des fautes de l’ennemi.

M. de Montcalm avait ses raisons pour s’inquiéter. Il avait quitté l’armée d’Allemagne pour prendre le commandement des troupes au Canada, où le roi l’avait envoyé pour réparer les désastres qui avaient suivi la défaite de M. Dieskau à la bataille du Saint-Sacrement, et, dès son arrivée, il s’était trouvé aux prises avec l’intendance qui, depuis de longues années, ruinait la colonie.

M. Bigot, intendant du Canada, et le marquis de Vaudreuil, gouverneur de la colonie, étaient les chefs de cette bande qui puisait à pleines mains dans les caisses publiques, préparant ainsi à bref délai la ruine de cet immense territoire que, depuis un siècle, l’Angleterre cherchait à voler à la France, car cette guerre ne fut, de la part des Anglais, qu’un acte de piraterie.

Les misérables exploiteurs du Canada n’avaient pu voir d’un bon œil l’arrivée de M. de Montcalm, dont l’honnêteté et le patriotisme étaient bien connus ; aussi employaient-ils toutes leurs influences pour obtenir son rappel.