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LE CHEF DES HURONS

Quand il eut achevé, le colonel lui demanda de l’accompagner à la Mission, mais le chasseur lui expliqua que les bois étaient remplis de maraudeurs blancs et rouges aux mains desquels la jeune fille risquerait de tomber, et qu’il valait mieux attendre quelques jours, afin de pouvoir aller la chercher avec une escorte suffisante.

— Mais qui nous empêche de nous faire accompagner aujourd’hui même par cette escorte ? dit M. de Vorcel ; M. de Montcalm est assez mon ami pour mettre une compagnie à ma disposition.

— C’est vrai, en ce moment il vous rendrait volontiers ce service, mais avant ce soir il regretterait de vous avoir obligé.

— Vous jugez mal le général, fit M. de Vorcel d’un ton de reproche.

— Mon colonel, en venant ici, j’ai rencontré dans les bois plusieurs batteurs d’estrade porteurs de nouvelle de la plus haute importance. Avant trois heures, ils seront ici.

— Qu’ont-ils à nous apprendre ?

— Les Anglais marchent sur Québec.

Le colonel baissa la tête avec accablement.

— Vous avez raison, dit-il tristement, je dois rester ici pour remplir mon devoir.

Et il se rendit aussitôt près du général en chef pour l’informer de ce qu’il venait d’apprendre.

M. de Montcalm avait été fort affligé par le malheur qui avait frappé le colonel son ami, non seulement à cause de la mort affreuse de la comtesse, mais aussi parce qu’il comprenait que les défrichements neufs, qui font la grandeur et la fortune d’une colonie, étaient à peu près impossibles, puisque les colons pouvaient être impunément massacrés aux portes mêmes de Québec.

Quant à organiser une surveillance suffisante pour protéger les colons, il n’y fallait pas songer ; car, à part les milices canadiennes, troupes fort braves mais peu nombreuses, les forces régulières ne se composaient que de vingt-huit compagnies de