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LE CHEF DES HURONS

Quand le repas fut terminé, le chasseur présenta sa gourde à Taréas.

— Une gorgée de rhum, lui dit-il, il n’y a que cela pour faire digérer.

Mais le chef repoussa doucement la gourde en disant :

— Les Hurons ne boivent jamais d’eau-de-feu, qui est mauvaise pour les Indiens, car elle les rend fous.

— Vous avez peut-être raison, dit Sans-Peur, mais nous autres chasseurs, nous ne dédaignons pas d’en boire une petite rasade de temps en temps.

Et portant la gourde à ses livres, il avala quelques gorgées de la liqueur que les Peaux-Rouges ont avec tant de raison appelée eau-de-feu, après quoi il poussa un hum ! sonore et bourra sa pipe. Le chef et l’Épervier bourrèrent également leur calumet et se mirent à fumer gravement.

Lorsque les trois hommes eurent fini de fumer, ils s’étendirent sur le sol et ne tardèrent pas à s’endormir profondément.

Comme ils avaient eu la précaution de ne pas allumer de feu de veille, ils n’avaient pas à redouter d’être surpris.

Au point du jour, Sans-Peur s’éveilla. Il se leva aussitôt et se mit à marcher de long en large en se secouant pour se réchauffer, car, dans les forêts, les nuits sont glaciales et l’humidité pénétrante.

Au premier pas qu’il fit, les deux Hurons ouvrirent les yeux.

— Ooah ! fit Taréas, mon frère est déjà levé ?

— Le jour commence à poindre et nous n’avons pas de temps à perdre.

— C’est vrai. Partons, dit Taréas en bondissant sur ses pieds, ainsi que l’Épervier.

— Un instant, fit le Canadien. Mangeons d’abord un morceau.

Et il sortit de sa gibecière le reste de ses provisions, qui furent expédiées en quelques minutes.

— Maintenant, dit le chasseur, en route !