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LE CHEF DES HURONS

leurs injures, dit le Peau-Rouge d’un ton si méprisant, que le colonel, furieux, lui cingla le visage d’un coup de cravache.

Prompt comme l’éclair, l’Indien porta la main à sa ceinture où était passé un long couteau ; mais à la vue de plusieurs domestiques qui accouraient en entendant la voix de leur maître, il bondit de l’autre côté de la route et disparut dans les fourrés qui la bordaient.

Or, cet Indien déguenillé, que M. de Vorcel avait pris pour un vagabond sans importance, n’était autre que Niocébah, le chef d’une puissante tribu d’Iroquois, que le général Wolf, commandant en chef de l’armée anglaise, avait chargé de se rendre compte de l’effectif des troupes françaises cantonnées autour de Québec.

Il était assez rare qu’une maison de plaisance fût élevée aussi loin de la ville ; aussi, Niocébah examinait-il minutieusement celle de M. de Vorcel, au moment où ce dernier interrompit brusquement cette opération.

Comme on l’a vu plus haut, l’arrivée des domestiques avait seule empêché le chef de venger sur-le-champ la sanglante injure qui lui avait été faite ; aussi, s’était-il enfui avec, au cœur, une haine mortelle pour l’homme qui l’avait frappé au visage, et dont il se promettait bien de tirer une vengeance terrible.

Le nom de Niocébah prononcé par le domestique avait été pour le colonel un trait de lumière. L’attaque de la villa n’était pas, ainsi qu’il l’avait cru d’abord, le fait d’une bande de maraudeurs, mais bien un acte de vengeance.

Il comprenait trop tard l’imprudence qu’il avait commise en se laissant aller à la colère, car cet acte de violence avait causé la mort de sa compagne dévouée et, peut-être même, celle de sa fille ; sans compter ses malheureux serviteurs, dont la terre venait de recouvrir les cadavres horriblement mutilés.

Lorsque le colonel eut expliqué à Sans-Peur et à Taréas le sens énigmatique pour eux des paroles de son domestique, le chasseur fronça les sourcils.