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LE CHEF DES HURONS

— Mon colonel, dit le chasseur, pardonnez-moi de venir troubler votre douleur, mais il faut songer à votre fille.

— Vous avez raison, mon ami, dit M. de Vorcel en se dégageant des bras de son fils ; peut-être pourrons-nous la sauver.

— J’en ai la certitude, dit Sans-Peur d’une voix ferme.

— Oh ! si vous faisiez cela !…

— Je le ferai, mon colonel, n’en doutez pas. Mais il faut d’abord que vous interrogiez le domestique que les Iroquois ont, je ne sais pourquoi, consenti à épargner.

— Ne l’avez-vous point interrogé ?

— Si fait, mais ses réponses sont pour moi une énigme.

— Où est-il ?

— Dans le jardin, où il aide les Indiens à enterrer ses camarades.

— Allons l’interroger ; peut-être nous apprendra-t-il quelque chose qui nous permette de voir clair dans cette sanglante tragédie.

Les trois hommes sortirent de la chambre mortuaire et descendirent rapidement l’escalier, se rendant au jardin.

À la vue de son maître, le domestique s’approcha en s’inclinant respectueusement.

— Pierre, lui dit M. de Vorcel, raconte-moi ce qui s’est passé.

— Ce ne sera pas long.

— Parle, et n’omets aucun détail.

— Il était environ sept heures du soir ; Mme la comtesse venait de se mettre à table, quand une nuée de Peaux-Rouges a bondi par-dessus la haie du jardin en poussant des hurlements épouvantables et brandissant des couteaux. Comme mes camarades et moi étions dispersés dans la maison, il nous fut impossible d’organiser la moindre défense. Les sauvages se répandirent dans les appartements en tirant des coups de feu et vociférant comme des démons. À leur apparition, j’avais couru au salon et je m’étais armé d’un des sabres de votre panoplie, décidé à vendre chèrement ma vie, mais au moment où, adossé au