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LE CHEF DES HURONS

blables services ne se paient point, laissez-moi vous offrir un témoignage de ma reconnaissance, ou plutôt un souvenir amical.

Et, tirant de son doigt une bague ornée d’un magnifique diamant, il la présenta à Joseph Dufour ; mais l’honnête Canadien recula d’un pas en balbutiant, tout confus :

— Oh ! mon colonel !…

— Mon ami, dit affectueusement M. de Vorcel, Dieu m’est témoin que je partagerais de grand cœur ma fortune avec vous, à qui je dois la vie de mon fils, mais vous offrir de l’argent serait vous faire injure, je le comprends ; aussi, serai-je très heureux de vous voir accepter ce souvenir.

Et prenant la main du fermier, il passa la bague à son petit doigt, pendant que le digne homme rougissait en murmurant :

— Oh ! mon colonel, mon colonel !…

Lorsque M, de Vorcel eut fait ses adieux à cette intéressante famille, il monta à cheval, ainsi que son fils, et tous deux se placèrent en tête des chasseurs, déjà en selle.

Le père et le fils, très émus, firent, de la main, un dernier signe d’adieu à leurs hôtes, et la petite troupe, franchissant le pont-levis, s’élança au galop dans la plaine.

En arrivant à Québec, le colonel trouva M. de Montcalm en proie à un véritable désespoir. En vain expédiait-il à Versailles courrier sur courrier, pour demander qu’on lui envoyât des secours, les amis de M. Rigot, l’intendant du Canada, avec lequel ils partageaient les dépouilles de notre belle colonie, interceptaient les lettres, afin que Louis XV restât dans une ignorance complète des événements ; de sorte que M. de Montcalm, écœuré de tant d’infamie, sentait le découragement s’emparer de lui ; mais, patriote avant tout, il n’en faisait pas moins héroïquement son devoir. Grâce à son courage et ses talents militaires, maintes fois il repoussa, avec une poignée d’hommes, des forces vingt fois supérieures, ne songeant qu’à une chose : reculer le plus possible le moment où il lui