Page:Ville - Le chef des Hurons, 1900.djvu/154

Cette page a été validée par deux contributeurs.
154
LE CHEF DES HURONS

— C’en est trop ! crie Sans-Peur en bondissant vers le Sioux, dont il trancha les liens avant qu’on pût s’y opposer.

Prenant un couteau à la ceinture d’un chasseur, il le jeta aux pieds de la Panthère en disant d’une voix terrible :

— Tu nous as appelés lâches ! Je vais te montrer la différence qu’il y a entre une créature de Dieu et un démon vomi par l’enfer.

Le Sioux poussa un hurlement de joie et, ramassant le couteau, se rua sur Sans-Peur, qui le reçut de pied ferme.

Alors commença une lutte horrible ! les deux adversaires bondissaient à droite et à gauche, s’enlaçaient, se séparaient, revenaient l’un sur l’autre avec des cris de rage insensée et se portant des coups terribles, évités de part et d’autre avec un à-propos extraordinaire.

Les assistants suivaient cette lutte, la sueur de l’angoisse au front.

Vingt fois le colonel voulut s’élancer pour porter secours à Sans-Peur ; mais, chaque fois, la main de fer de Taréas le retint, lui faisant comprendre que toute intervention serait une honte pour le chasseur.

Un moment, les deux adversaires se tinrent immobiles, à deux pas l’un de l’autre. Tout à coup, Sans-Peur poussa un rugissement de fauve et bondit sur le Sioux, dans un élan irrésistible.

Le choc fut tel que les deux hommes roulèrent sur le sol.

Un cri de joie ébranla les airs.

Le Sioux était renversé et Sans-Peur lui appuyait un genou sur la poitrine.

Le vaincu, qui avait laissé échapper son couteau en tombant, vociférait des injures horribles.

Soudain un éclair bleuâtre brilla dans la nuit, et le couteau de Sans-Peur disparut jusqu’au manche dans la gorge de son ennemi, qui poussa un effroyable cri d’agonie, se raidit dans une convulsion suprême et demeura inerte.

Il était mort.