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LE CHEF DES HURONS

Le temps était superbe.

Une immense table fut dressée dans la cour, et de nombreuses lanternes accrochées aux arbres.

À neuf heures, les convives prirent place et le souper commença.

Le colonel était assis entre son fils et Mme Dufour. Le fermier s’était placé devant lui, ayant à ses côtés Sans-Peur et Taréas.

Ne voulant point perdre l’occasion d’un pareil festin, les chasseurs chargés de surveiller les prisonniers les avaient littéralement chargés de liens. Puis, bien certains qu’ils ne pourraient s’échapper, ils étaient allés se mêler à leurs camarades, dont la gaieté prit bientôt des proportions formidables.

Loin de les rappeler à l’ordre, le colonel était heureux du bonheur de ces braves gens qu’il avait si souvent conduits au combat et dont il avait tant de fois eu l’occasion d’apprécier le courage et le dévouement.

Seul Taréas était calme. Il écoutait, souriait parfois, mais ne parlait pas. Il eût considéré comme indigne d’un chef de partager cette bruyante gaieté.

Au dessert, Joseph Dufour se leva et réclama le silence.

Tous se turent.

— Camarades, dit-il, on va servir quelques bouteilles de vin de France ; nous les boirons à la santé du roi !

— Vive le roi ! s’écrièrent toutes les voix.

Les bouteilles furent débouchées et les verres remplis.

Alors le colonel se leva et dit en levant son verre :

— Mes amis, à la santé du roi !

— Vive le roi ! vive le roi ! répétèrent les chasseurs.

Les verres furent choqués et vidés au milieu d’un enthousiasme indescriptible.

Quand le calme fut un peu rétabli, Taréas se leva et commença un petit discours.

— Guerriers blancs, dit-il, le Wacondah a donné à ses enfants rouges d’immenses forêts pleines de gibier ; des rivières