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LE CHEF DES HURONS

— Il a pourtant dû vous dire quelque chose, puisque veut êtes ici.

— C’est vrai, mais il a été, selon sa coutume, d’un tel laconisme, qu’il a fallu toute la confiance qu’il m’inspire pour que je le suivisse.

— Eh quoi ! dit Sans-Peur en regardant le chef, vous n’avez donné au colonel aucun renseignement ?

— Les femmes parlent, les hommes agissent, répondit simplement Taréas. Mon frère m’a dit d’aller chercher le chef blanc et de le lui amener avec une trentaine de chasseurs ; j’ai rempli ma mission.

Les deux hommes comprirent qu’ils n’avaient rien à répondre.

Le chef avait loyalement et strictement transmis les paroles du chasseur.

— Voyons, dit le colonel en s’adressant à Sans-Peur, qu’avez vous appris ? Reverrai-je mon fils ?

— Ce soir même vous l’embrasserez.

Taréas regarda le chasseur avec une véritable stupéfaction.

— C’est vrai, dit Sans-Peur qui remarqua l’étonnement du chef, vous ne pouvez me comprendre.

Et il raconta comment, en explorant les rives du fleuve, il avait retrouvé celui dont il ne pouvait parvenir à découvrir la piste.

— C’est bien réellement Dieu qui vous a guidé, dit le colonel dont les yeux se remplissaient de larmes, larmes de bonheur qu’il ne cherchait même pas à cacher.

Ce gentilhomme, ce soldat qui affrontait sans broncher la mitraille anglaise, sentait son cœur se fondre en pensant qu’il allait enfin revoir son enfant dont il avait craint d’être à jamais séparé.

Soudain, un éclair de colère passa dans son regard.

— Oh ! rugit-il, je ne quitterai le désert qu’après l’avoir purgé de la tourbe immonde qui l’habite. Pas un de ces misérables n’échappera au châtiment dû à tant de crimes !