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le chef des hurons

jusqu’au bout, certain que Dieu me viendrait en aide. Je déterrai quelques racines que je mangeai avidement, puis je retournai vers la rivière, mais ma pirogue que j’avais oublié d’attacher, avait été emportée par le courant. Ce fut pour moi un nouveau coup et je me laissai tomber avec accablement sur le sol. Avec ma pirogue, j’aurais pu descendre le fleuve sans fatigue, et, tôt ou tard, j’aurais rencontré un défrichement ; au lieu de cela, j’étais obligé de parcourir à pied le désert, c’est-à-dire d’immenses solitudes peuplées de fauves et de sauvages. Je passai une nuit épouvantable. Aux premières lueurs du jour, je m’agenouillai et demandai à Dieu de guider mes pas, puis je me levai et partis au hasard, droit devant moi. Depuis, trois jours, j’étais dans cette situation, quand, soudain, mes forces me trahirent et je tombai évanoui. Vous savez le reste.

— Monsieur, dit gravement Joseph Dufour, c’est évidemment Dieu qui, ainsi que vous le lui avez demandé, a guidé vos pas, puisque vous avez été recueilli par des amis qui sont tout à votre disposition.

— Hélas ! tout dépend de la direction que vous suivez.

— Je ne vous comprends pas. Expliquez-vous.

— Votre installation me prouve que vous voyagez. Or, vous tournez probablement le dos à Québec, où se trouve mon père.

— Notre installation n’est encore qu’un campement, c’est vrai, mais notre voyage est terminé. Hier, j’ai décidé de me fixer ici.

— Vous m’avez dit connaître mon père, n’est-il pas vrai ?

— C’est exact. J’ai fait partie de la milice canadienne, et j’étais sous les ordres du colonel de Vorcel lors de la prise du fort Ontario.

— Voulez-vous me permettre une question ?

— Dix, vingt si vous voulez.

— Pourquoi avez-vous quitté les habitations ?