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deuxième voyage

et il put lire dans les regards fixés sur lui, un ardent désir de quitter au plus vite ces dangereux parages.

C’est qu’il y avait là des pères qui songeaient à leurs enfants, des fils qui songeaient à leurs mères, des époux qui songeaient à leurs femmes.

Vernier donna donc l’ordre de tout préparer pour un prompt départ.

Pendant que chacun s’empressait d’exécuter ses ordres, il remercia chaleureusement l’honnête Canadien qui, sa mission étant terminée, remonta à cheval et repartit comme il était venu, c’est-à-dire au triple galop.

La nuit, qui survint bientôt, ne retarda point le départ, car on connaissait assez la route à suivre pour être certain de ne pas se tromper. D’ailleurs, il était impossible d’attendre qu’il fit jour pour se mettre en route, car autant eût valu rester : l’hiver, qui avançait rapidement, commençait d’étendre sur le Youkon son voile d’épaisse brume qui prolonge indéfiniment les nuits. Il fallait se hâter de quitter cette région désolée qui allait être bientôt couverte d’un sombre crépuscule, et, cela, pendant des mois.

La petite troupe retourna donc sur ses pas. Les porteurs, froids et impassibles, remplissaient en conscience leur office, sans songer à autre chose qu’à la rémunération qui leur avait été promise. Pour eux, il importait peu que les résultats fussent brillants. Il n’en était pas de même des matelots, qui considéraient d’un œil morne les chaloupes à moitié vides. Chacun supputait silencieusement la part qui lui reviendrait de cette maigre cargaison, qui répondait si peu au mirage entrevu depuis de longs mois.

En quittant la France, les matelots avaient sans hésiter,