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au klondyke

tes allusions depuis que nous sommes ici. Autrefois, deux millions te semblaient l’idéal, car c’était à peu près ce que tu avais dilapidé ; aujourd’hui, ils ne te suffisent plus : il t’en faut dix, vingt, cinquante, peut-être… Tiens, je regrette presque ce que j’ai fait pour toi, car je crains bien de t’avoir mis au cœur la soif de l’or.

— Ne regrettez rien, dit vivement le prêtre, car vous avez empêché votre ami de commettre une action abominable !

— Mais, monsieur le curé, vous ne comprenez donc pas que, s’il persiste dans ses idées, je devrai l’abandonner à son sort, et, alors, Dieu seul sait ce qui arrivera.

— Mon cher Charles, dit froidement le comte, que tu m’accompagnes ou non, je retournerai au Youkon. Tout ce que monsieur le curé et toi venez de dire est fort beau, mais rien, tu m’entends bien, rien ne me fera renoncer à mon projet.

— Ingrat ! dit Vernier.

— Non, je ne suis point un ingrat et tu sais fort bien que mon affection pour toi est aussi profonde que ma reconnaissance, mais j’ai sur le cœur ce que tu m’as dit à Paris, la nuit qui a précédé notre départ pour ce château. Je veux que tous ces gens qui, paraît-il, me calomniaient, viennent, éblouis, mendier mes sourires.

— Vous glissez sur une pente fatale ! dit le vénérable prêtre en hochant tristement la tête.

— Laissez donc, monsieur le curé, répartit en riant le comte ; je reviendrai sain et sauf, quelque chose me le dit et ce jour-là, je vous donnerai de quoi faire bâtir une belle église, car la vôtre est bien mesquine.