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l’homme n’est jamais content
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hommes sont égaux devant Jésus-Christ, sachez-le, et parmi les vilains, dont vous parlez si dédaigneusement, il est plus d’un homme de génie qui, s’il était connu, deviendrait la gloire de son pays. Croyez-moi, juger plus sainement les hommes et les choses, et vous vous en trouverez bien.

— Bravo ! monsieur le curé, s’écria Vernier. Vos paroles sont l’écho de celles que je lui fais entendre depuis longtemps, et je suis heureux que vos cheveux blancs soient venus à mon aide, car mieux que moi vous êtes apte à faire pénétrer la vérité dans une cervelle bourrée de préjugés.

— Deux contre moi ? dit le comte en esquissant un sourire contraint.

— Eh ! non, pas contre toi, mais bien pour toi, car c’est dans ton intérêt que nous te parlons ainsi… Tenez, monsieur le curé, voilà un gaillard à qui j’ai retiré un pistolet de la main au moment où il allait se brûler la cervelle…

— Oh ! fit le prêtre avec un mouvement d’horreur, tandis que le comte rougissait jusqu’au blanc des yeux.

— Après l’avoir désarmé, je lui ai dit : tu veux mourir parce que tu es ruiné : viens avec moi, et dans un an tu auras reconstruit ta fortune. Cela pouvait sembler un rêve, n’est-ce pas ? pourtant j’ai tenu ma parole. Eh bien ! au lieu de remercier Dieu qui nous a manifestement protégés, au lieu de jouir en paix des deux millions que je lui ai donnés, il ne songe qu’à une chose : retourner au pays de l’or… Ne t’en défends pas, ajouta-t-il en voyant son ami faire un geste de protestation, car j’ai parfaitement compris