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au klondyke

Puis ce furent des allusions à un nouveau voyage au Youkon.

Vernier laissa passer, sans les relever, ces allusions plus ou moins claires ; mais il dut enfin répondre catégoriquement, et voici à quelle occasion :

Un jour que le comte avait prié à dîner le vieux curé du village, qui l’avait connu tout enfant, il déclara nettement que l’oisiveté lui pesait et que l’existence champêtre lui semblait dénuée de distractions.

— Mais, monsieur le comte, lui dit le curé, que ne vous occupez-vous à administrer vos biens ? Vous êtes rentré en possession de vos vignobles, qui sont considérables, gérez-les vous-même.

— Je n’entends rien à la culture de la vigne, répondit en riant le comte… C’est là besogne de vilain.

— Qu’entendez-vous par vilain ? demanda tranquillement le prêtre, comme s’il n’eût pas compris.

— Les paysans… les…

— Les gens qui vous nourrissent, interrompit vivement le vieux curé.

— Monsieur le curé !… s’écria le jeune homme.

— Peut-on désigner autrement ceux dont la sueur féconde la terre pendant que vous jouissez de l’or qu’elle vous procure ? reprit le prêtre… S’il existe une caste de privilégiés, c’est que Dieu l’a voulu ainsi, mais il ne s’ensuit pas que les favoris de la fortune soient d’une pâte autre que les déshérités… Pardonnez-moi, mon ami, de vous parler ainsi. J’ai peut-être été un peu vif, mais je vous aime beaucoup et il m’est pénible de vous voir professer des idées qui ne sont plus de mode. Tous les