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au klondyke
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refusé de prolonger mon congé, j’ai donné ma démission, c’est-à-dire renoncé à une carrière qui me plaisait par-dessus tout.

— Mais c’est de la folie ! s’écria le comte en proie à une véritable émotion.

— Le refus de mon chef me mettait dans la nécessité de déserter ou de quitter la marine, car je voulais à tout prix t’empêcher de mettre à exécution ton funeste projet. Or, aujourd’hui que, par l’abnégation dont j’ai fait preuve, tu es redevenu ce que tu étais autrefois, c’est-à-dire riche et heureux, du moins je le croyais, tu viens me dire : ce bonheur ne me suffit pas… Malheureux ! tu ne comprends donc pas que tu veux porter un défi à Dieu qui déjà t’a sauvé une fois !

Le comte était atterré. Ce qu’il venait d’apprendre le bouleversait. Un homme avait trouvé dans son amitié la force de briser volontairement une carrière qu’il aimait et qui s’annonçait comme devant être brillante. Ce sublime dévouement trouvait enfin un écho dans son cœur.

D’un bond il fut au cou de son ami.

— Pardonne-moi, lui dit-il, mais j’ignorais cela.

— Fais donc en sorte que je ne regrette pas la résolution que j’ai prise, car ce n’a pas été sans souffrir beaucoup que je m’y suis décidé.

— Dès demain, nous nous rendrons à mon manoir, et là, loin du monde, mes pensées s’apaiseront… Maintenant que je connais le tribut que tu as payé à l’amitié, qui nous lie, sois certain que je ne serai pas en reste avec toi.

Le lendemain, les deux amis, accompagnés du fidèle