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au klondyke

L’on arriva enfin en vue de la côte, et bientôt les mâts du Caïman apparurent aux yeux émerveillés des matelots, qui saluèrent leur navire par des hurlements de joie aussi retentissants que prolongés. Manifestation bien compréhensible chez des hommes venant d’affronter tant de dangers et de supporter tant de souffrances.

L’embarquement de l’or prit une journée. Cette opération achevée, les porteurs furent largement rétribués, puis, profitant d’un vent favorable, le capitaine fit lever l’ancre, et le Caïman reprit, toutes voiles dehors, la route déjà parcourue, emportant dans ses flancs les espérances et les rêves des hardis aventuriers.

Se souvenant de la tempête qui avait assailli son navire, Vernier ne voulut pas risquer de perdre, en traversant l’Atlantique, les fruits de tant de fatigues. En conséquence, il relâcha à New York, où il échangea sa cargaison contre des traites à vue sur une banque du Havre, représentant cinq millions.

— Dans un naufrage, avait-il dit à son ami, les hommes se sauvent quelquefois, la cargaison jamais. Maintenant que je l’ai en portefeuille, nous aurons bien du malheur si elle nous échappe.

Cette manière de voir avait été accueillie favorablement par les matelots, qui, connaissant les caprices des flots, songeaient avec terreur à ce qu’il adviendrait en cas de sinistre. Aussi fut-ce allègrement qu’ils larguèrent les voiles au moment du départ, et le Caïman, allégé de sa lourde cargaison, fila rapidement à travers les vagues bleues de l’Atlantique.

Au bout de deux jours, le vent tomba subitement. Le