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au klondyke

— Bah ! reprenaient les premiers, puisque ça leur fait plaisir à tous les deux…

Ceux-ci étaient certainement dans le vrai, car chacun entend le bonheur à sa façon : Valentin éprouvait du plaisir à se dévouer pour le Parisien, qui, lui, était enchanté de ces prévenances.

Un auteur anglais a dit : Pour que deux hommes soient unis par une solide amitié, il faut que leurs tempéraments offrent une certaine dissemblance, de manière que « les angles saillants de l’un pénètrent dans les angles rentrants de l’autre » formant en quelque sorte une unité complète.

Il n’est donc pas étonnant que ces deux natures si différentes se soient comprises : Loriot était intelligent, espiègle et quelque peu sceptique ; Valentin, au contraire, était un peu naïf, sérieux et confiant. Ils s’étaient donc complétés l’un par l’autre, et rien ne semblait devoir troubler leurs bonnes relations.

Cependant le Caïman, poussé par une bonne brise, filait rapidement sur l’océan. Un matin, en montant sur le pont, le capitaine Vernier aperçut du givre après les agrès, indice certain que l’on approchait du détroit de Davis.

Il y avait un mois que le navire avait vu les côtes de la France s’effacer à l’horizon. Ce voyage à travers l’immensité, sans autre vue que le ciel et les vagues écumantes, avait singulièrement influé sur l’esprit du comte de Navailles. Lui, qui était naguère d’une insouciance incroyable, avait fini par subir l’influence de l’ambiance qui l’entourait. Les chants des matelots lui semblaient mille fois préférables aux sons des orchestres qui, autrefois, emportaient les valseurs à travers ses brillants salons ; et quand