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cette vue, un jeune matelot d’une vingtaine d’années, sauta d’une vergue sur le pont en criant :

— Valentin !… Viens, mon ami Valentin, que je t’embrasse !

Mais le domestique du comte s’empressa de disparaître afin d’échapper à cette expansion dont il se méfiait fort. En effet, le marin, qui avait nom Loriot, était un espiègle parisien, toujours en quête d’un bon tour à jouer.

À peine à bord du Caïman, il avait constaté que le bon Valentin était doué d’une certaine dose de naïveté. Comme, en mer, les plaisirs sont assez rares, le rusé Parisien n’avait pas tardé à se procurer des distractions aux dépens du brave domestique qui, n’étant point habitué aux coutumes du bord, était bientôt devenu la joie de l’équipage. Les malices que l’on faisait au pauvre garçon n’étaient pas toujours d’un goût exquis : s’il montait sur le pont pendant que l’on procédait à la toilette du navire, il était certain de recevoir en plein visage une demi-douzaine de seaux d’eau, désagréments qu’il mettait généralement sur le compte de son inattention. Il s’empressait alors d’aller changer de vêtements, et revenait gaiement au milieu des matelots, pour disparaître presque aussitôt dans une écoutille ouverte comme par mégarde.

Bien qu’il fût doué d’un excellent caractère, Valentin avait fini par se fâcher tout rouge, car il avait plus d’une fois remarqué que le Parisien se trouvait près de lui chaque fois qu’il était victime d’une mésaventure. Droit et honnête, il lui avait dit franchement ce qu’il pensait ; mais Loriot n’avait répondu qu’en se jetant à son cou et en lui jurant une amitié éternelle.