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au klondyke

sourde douleur lui lancinait le cœur et une grande désespérance s’emparait de son âme.

Avec ce merveilleux instinct que donne l’amitié, Charles Vernier comprit les angoisses de son ami.

Allons, dit-il en lui posant une main sur l’épaule, sois homme et redresse-toi. Au lieu de te consumer dans d’amers regrets qui ne serviraient à rien, tourne tes regards vers l’avenir. En un mot, sois digne du nom que tu portes. Ton malheur n’étant que le résultat de tes folies, tu te dois à toi-même de le regarder crânement en face, sans faiblesse comme sans récriminations. Accepte-le comme une juste expiation, mais que ton énergie n’en soit point, pour cela, amoindrie… Nous sommes le 7 février 1892 : dans un an, jour pour jour, tu auras repris possession de ton hôtel.

— Oh ! murmura le comte, si tu disais vrai !…

— Une seule chose pourrait empêcher ma prédiction de se réaliser : la volonté de Dieu ; car, je te l’ai dit, de nombreux obstacles vont se dresser sur notre route.

— Quels qu’ils soient, je saurai les affronter sans pâlir, sois-en certain. Mais au moment d’abandonner à des étrangers la demeure de mes pères, je sens mon cœur se briser.

— Je comprends ta légitime douleur ; mais je te le répète, les regrets ne servent à rien.

— Tu as raison, dit le comte en serrant la main de son ami : trêve d’idées moroses, et ne songeons qu’à l’avenir.