Page:Ville - Au Klondyke, 1898.djvu/193

Cette page a été validée par deux contributeurs.
195
la fonte des glaces

effort de volonté, Vernier réagit contre sa douleur et se dégagea des bras de Valentin.

— Il ne suffit pas de pleurer les morts, dit-il, il faut aussi songer aux vivants.

Et il désigna Loriot et Baludec qui, appuyés contre le mât, le regardaient avec des yeux humides, sans même remarquer que le radeau s’était remis en marche.

Après quelques heures de calme plat, le vent du nord soufflait de nouveau arrondissant la voile.

Hélas ! les malheureux ne tardèrent pas à s’apercevoir qu’un nouveau malheur les accablait. Pendant la lutte du comte et du matelot, la caisse qui renfermait les galettes était tombée à l’eau sans que personne s’en aperçût.

— Allons, murmura Vernier, mon pauvre ami aura été jusqu’au bout la cause de notre perte.

Sans vivres et perdus dans l’immensité de la mer Arctique, que pouvaient espérer ces infortunés, sinon mourir le plus tôt possible ?

Ils le comprirent si bien, qu’ils ne proférèrent pas un cri, pas une plainte. Après s’être d’un commun accord serré les mains, ils se séparèrent les uns des autres et se couchèrent sur le radeau pour attendre la mort qui ne devait pas tarder à fondre sur eux, étant donné l’épuisement qui les anéantissait.

La nuit venue, le radeau continua de voguer silencieusement sans qu’aucune main dirigeât sa marche.

Lorsque l’aube blanchit les cieux, les quatre corps étaient dans la même position, allongés sur le dos et les yeux fixés vers l’infini.

Un rayon de soleil vint bientôt passer, comme une ca-