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le dernier des navailles

À cette allusion à la visite qu’il avait faite à l’officier de marine, Valentin rougit jusqu’aux oreilles et lança à l’ami de son maître un regard chargé de reproches.

— Oh ! monsieur Vernier !… se contenta-t-il de dire.

— Tu me reproches de t’avoir trahi, lui dit ce dernier avec bonhomie, mais tu as tort, car ton maître t’en sait un gré infini.

— Vrai ?… fit l’honnête garçon en regardant le comte.

— Oui, mon bon Valentin, dit le comte. Pourtant, il ne faudrait pas t’autoriser de cela pour mettre encore ton gros nez dans mes affaires.

— Soyez tranquille, monsieur le comte, je ne recommencerai pas, dit le domestique en se retirant… à moins, ajouta-t-il lorsqu’il fut sorti, que vous ne recommenciez vous-même.

— Il est sept heures, dit M. de Navailles en consultant une pendule de Sèvres placée sur la cheminée ; que faisons-nous ?

— Puisque tu dois quitter cet hôtel avant midi, partons immédiatement… Un peu plus tôt, un peu plus tard !… Dès que nous serons chez moi, tu prendras quelques heures de repos, tandis que je commencerai mes démarches afin de faire prolonger le congé de six mois que je viens d’obtenir.

Le comte ne répondit point. Le front penché, les traits contractés, il semblait en proie à de tristes pensées. C’est que, au moment de quitter l’hôtel familial où s’était écoulée sa vie et qui avait tant de fois retenti des cris joyeux de la foule frivole qu’il conviait à ses fêtes brillantes, une