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au klondyke
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Longtemps sa voix monotone répète le même refrain ; puis elle s’éteint peu à peu, et le matelot se couche, toujours souriant, pour dormir son sommeil éternel, sans qu’en sa pensée égarée passe un regret ou un adieu pour l’épouse qui, bientôt, se voilera de deuil, ou pour les orphelins qui appelleront en vain leur père.

Soudain, Vernier tressaillit violemment. À travers les vitres des fenêtres passait un rayon blafard qui faisait pâlir la lampe accrochée à la toiture.

D’un bond il fut debout, vacillant mais le visage rayonnant.

— Le jour ! cria-t-il, c’est le jour !… Nos souffrances vont-elles enfin finir ?

Et comme ses compagnons le regardaient sans rien comprendre à cette exaltation, il leur dit en riant d’un rire nerveux :

— Quoi ! vous restez immobiles quand je vous annonce le salut !

— Le salut ? interrogea le comte d’une voix faible.

— Eh ! oui.. Cette lueur pâle, c’est la fin de l’hiver. Demain et les jours suivants elle grandira… Les glaces fondront, la mer sera libre !

À ces accents vibrants, chacun s’était soulevé et approché d’une fenêtre, hésitant à croire à tant de bonheur. Alors, comme si Dieu eût voulu confirmer les paroles de Vernier, des craquements se firent entendre.

— C’est le dégel ! s’écria le capitaine. Allons, mes amis, du courage ! Ce n’est pas au moment d’être enfin sauvés que nous devons désespérer.

— J’ai faim ! gémit le comte.