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au klondyke

Le comte sonna. Son domestique parut.

C’était un bon gros garçon de l’âge du comte, mais dont la robuste carrure et le visage joufflu n’avaient rien de la finesse aristocratique de son frère de lait, ce qui ne l’empêchait pas d’adorer son maître.

Plutarque nous a conté qu’un brave homme d’Argos s’était pris d’admiration pour Alexandre au point de se faire volontairement son esclave, voire même son chien, dormant devant l’entrée de sa tente, se jetant au plus fort des combats avec l’espoir d’être tué sous les yeux de son idole. C’est ainsi que Valentin aimait M. de Navailles ; aussi, en apprenant qu’il allait être séparé de lui, se jeta-t-il à genoux pour obtenir de faire partie du voyage, et, cela, avec de telles protestations de dévouement, que le comte, très ému, finit par céder.

— Puisque tu le veux absolument, lui dit-il, viens avec nous ; seulement je te préviens que nous ne reviendrons peut-être jamais.

Valentin eut ce mouvement des épaules qui signifie, dans tous les pays : Mourir ici ou ailleurs !…

— Mes malles sont-elles prêtes ? reprit le comte.

— Il n’y a plus qu’à les emporter.

— Où comptes-tu aller ? lui demanda son ami.

— Mais… dans un hôtel… n’importe lequel.

— Fais plutôt transporter tes bagages chez moi… Mon appartement est assez grand pour nous deux.

— Au fait, c’est une idée… Tu as entendu ? ajouta-t-il en s’adressant à Valentin.

— Oui, monsieur le comte.

— Inutile de te dire l’adresse, n’est-ce pas ? car tu ne dois point l’avoir oubliée depuis hier au soir.