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la révolte
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toile qui le séparait de ceux dont il avait décidé la mort.

Mais au lieu d’avancer, il resta comme pétrifié. Vernier et le comte étaient debout, un revolver à la main. Quatre détonations éclatèrent, en même temps que le capitaine criait :

— À moi, mes fidèles !

Les six matelots dévoués bondirent à bas de leur hamac et s’élancèrent au secours de leur chef, le couteau au poing.

Les quatre balles tirées par ce dernier et le comte avaient jeté à terre trois des mutins. Les cinq autres, surpris de cette défense sur laquelle ils n’avaient point compté, comprirent aussitôt que c’en était fait d’eux, mais au lieu d’implorer un pardon que Vernier leur eût peut-être généreusement accordé s’ils avaient manifesté un sincère repentir, ils se ruèrent sur leurs camarades, qui les reçurent en gens de cœur, et une effroyable mêlée s’ensuivit, d’autant plus terrible que l’on ne pouvait faire usage des armes à feu, car les adversaires combattaient pied contre pied, poitrine contre poitrine ; les uns avec cette farouche énergie que donne la certitude d’une mort inévitable, les autres avec la légitime colère d’hommes que l’on a trahis. Il n’y avait plus d’anciens camarades ; il n’y avait que des ennemis mortels ; aussi les coups étaient-ils portés avec un acharnement incroyable et chaque cri de douleur était-il suivi d’un cri de triomphe.

Cependant, cette lutte fratricide ne pouvait durer longtemps. Aux fidèles du capitaine s’étaient joints le lieutenant, le maître d’équipage et ceux qui, le premier moment de stupéfaction passé, avaient résolument pris parti pour leur chef.