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la révolte

— Quant à la cargaison, dit il en terminant, elle est à nous tous. Lorsqu’on a partagé les dangers et les souffrances auxquels nous sommes en butte, les conditions primitives cessent d’exister. Cette résolution je l’ai prise en abordant sur cette île, car cette expédition ne ressemble en rien à la première, et il ne serait pas juste que les parts fussent inégales. Quant à ceux qui ont voulu vous affamer, j’en fais mon affaire, à la condition, toutefois, que vous vous conformerez à mes instructions.

— Capitaine, comptez sur nous, dirent les matelots d’une seule voix.

— Surtout, soyez calmes, et que personne ne se doute de rien.

— Nous serons muets comme des poissons, dit le timonier breton !

— Maintenant que vous m’avez bien compris et que tout est convenu, retournons à la case et que chacun agisse comme s’il ne savait rien.

Le maître d’équipage reprit la lanterne qu’il avait apportée pour guider la marche, et se replaça en tête de la petite troupe, qui retourna à la case.

Fidèles à la promesse qu’ils avaient faite à leur chef, les matelots ne laissèrent rien transpirer du terrible secret qui leur avait été confié. Néanmoins, ils ne purent s’empêcher d’arrêter de temps en temps leurs regards sur leurs camarades comme s’ils eussent voulu fouiller leur conscience. Tel marin qui causait gaiement, faisait-il partie des révoltés ? Les fidèles du capitaine se le demandaient avec anxiété, car ils eussent voulu connaître, par avance, afin de les haïr, ceux qu’ils devaient