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au klondyke

— Mes amis, leur dit-il, si je vous ai fait désigner pour nous accompagner ici, c’est que l’heure est grave et qu’un danger nous menace tous. Des misérables ont juré de s’approprier la cargaison, mais comme ma présence est un obstacle à ce projet, ils doivent, ce soir, m’assassiner, ainsi que ceux qu’ils savent m’être fidèles. Sachant pertinemment que je peux compter sur vous, je vous ai réunis afin de vous mettre sur vos gardes.

Les matelots se regardaient les uns les autres, n’en pouvant croire leurs oreilles.

Baludec, le timonier breton dont nous avons déjà eu l’occasion de parler, sortit le premier de sa stupeur.

— Voyons, capitaine, dit-il, êtes-vous bien certain de ce que vous dites ?

— Mon brave Baludec, je ne vous ai pas tout dit.

— Il y a encore quelque chose ?

— Tandis que la faim torture nos entrailles, que le moindre morceau est fraternellement partagé entre tous, des infâmes ont soustrait des provisions. Elles sont sous nos pieds, dans la cale… Loriot, ajouta Vernier, raconte ce que tu sais.

Le Parisien refit son récit, après quoi tous se rendirent dans la cale où ils constatèrent avec des cris de rage l’ignominie de leurs indignes camarades.

Dans leur légitime colère, les matelots parlaient de lyncher immédiatement le Gascon et le Marseillais, mais le capitaine les calma en leur expliquant un plan qu’il avait conçu, plan qui devait jeter bas les masques des mutins, qui, s’ils demeuraient inconnus, seraient un danger permanent pour leurs compagnons.