Page:Ville - Au Klondyke, 1898.djvu/145

Cette page a été validée par deux contributeurs.
147
l’installation

abondamment, pouvait tomber encore et pendant des jours, voir même des semaines. Dans ce cas, cela serait fait du navire et de sa précieuse cargaison. Il résolut donc de mettre sans retard cette dernière en sûreté.

La fugitive lueur blafarde dont on jouissait toutes les vingt-quatre heures s’éteignait. Le capitaine fit allumer des falots et emmena ses matelots à bord du Caïman, afin de faire opérer le transport des sacs contenant le fauve métal dont la conquête coûtait si cher à nos aventuriers.

Cette opération était trop en harmonie avec les craintes de chacun pour qu’elle ne fût pas menée rondement.

L’exercice physique étant ce qu’il y a de mieux pour combattre le froid, Vernier ordonna à chaque matelot de se rendre de la cale à la case, avec sa charge, sans s’arrêter en route. C’était fatigant, mais souverain pour développer le calorique et surchauffer le sang. Chaleur naturelle, plus salutaire que celle que procurerait le plus gigantesque brasier.

Une fois la cargaison en sûreté, on soupa d’une maigre ration de lard, puis les pipes furent allumées et les matelots, groupés selon leurs sympathies, commencèrent ces interminables causeries qui, à bord, font trouver moins longue la traversée.

Le comte s’était retiré, avec son ami, dans une sorte de cabinet formé dans un angle de la case, à l’aide d’une toile de voile. C’était là qu’ils avaient fait dresser leurs lits de camp et que, durant de longues heures, ils devisaient sur l’avenir. M. de Navailles espérait quand même ; le capitaine, au contraire, tentait de l’amener à une perception plus exacte de leur situation et faisait tous ses