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au klondyke
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agglomération de neige allait se congeler et la compression qui en résulterait pouvait broyer le Caïman.

Il fallait donc au plus vite prévenir ce désastre. Par son ordre, les matelots, le lieutenant, le comte lui-même, s’emparèrent de tous les outils renfermés dans la case et attaquèrent l’amas de neige avec une vigueur que décuplait un sentiment plus puissant que la peur de perdre le navire : l’avarice. En effet, l’or recueilli sur les bords du Klondyke était encore dans la cale, le capitaine n’ayant pas jugé à propos de le faire débarquer.

Le danger que courait le Caïman avait frappé tout le monde et une vision rapide avait montré à chacun les sacs d’or coulant à fond au moment où le navire, broyé, disparaîtrait sous la surface glacée de la baie. Aussi travaillait-on avec une incroyable activité. La neige, violemment attaquée, volait de tous côtés, non plus en flocons comme lorsqu’elle s’était amoncelée, légère, sur le bâtiment, mais par masses énormes.

En moins de deux heures, on découvrit le pont, qui fut soigneusement balayé. Les matelots, alors, respirèrent : La précieuse cargaison était là, sous leurs pieds, et toute crainte de la perdre avait disparu. Sortiraient-ils jamais de ces glaces ?… Cette pensée ne leur venait même pas à l’esprit. Le froid ? ils ne le sentaient plus. La fatigue ? elle n’existait point. Ils ne voyaient qu’une chose : la cargaison était sauvée, du moins pour le moment. Vernier s’empressa de ramener son monde à la case, où une distribution de café noir fut aussitôt faite.

Cependant, le danger que venait de courir le Caïman préoccupait fort Vernier. La neige, qui avait tombé si