Page:Ville - Au Klondyke, 1898.djvu/131

Cette page a été validée par deux contributeurs.
133
dans les glaces

— Demande cela à monsieur, répondit le capitaine en désignant le second, dont le visage avait un air sombre peu en harmonie avec la bruyante gaieté de l’équipage.

— Monsieur le comte, dit froidement le lieutenant, il est fort probable que pas un de nous ne reverra la terre de France. Excusez ce que mes paroles peuvent avoir de peu agréable, mais M. Vernier m’ayant chargé de répondre pour lui, je l’ai fait sans détour.

— Ainsi, dit le comte en pâlissant visiblement, nous sommes perdus ?

— Mon Dieu ! oui… du moins, à peu près, répondit le capitaine Vernier.

— C’est étrange comme tu sembles prendre ton parti de cette perspective.

— Que veux-tu donc que je fasse ?… Que je me lamente ?… Eh ! mon cher, un peu plus tôt, un peu plus tard, ne devons-nous pas mourir ?

— C’est possible, et même certain, pourtant je n’envisage point cette échéance avec autant de philosophie que toi.

— Et tu as tort : lorsqu’on a commis une folie, on doit en accepter avec résignation toutes les conséquences, quelles qu’elles soient.

— Selon toi, de quelle folie sommes-nous coupables ?

— Toi, de n’avoir pas été assez sage pour te contenter de ce qui eût fait le bonheur de tout autre ; moi, d’avoir été assez faible pour t’accompagner dans ce second voyage.

Le comte ne répondit rien, mais il était bien évident que les paroles de son ami avaient fait sur lui une vive