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au klondyke

Après quelques heures d’un repos dont il avait le plus grand besoin, Vernier reprit sa place sur la dunette, et bientôt l’équipage se trouva réuni sur le pont.

La veille, l’on n’avait pris aucune nourriture, tant était grande l’appréhension qui étreignait les cœurs. À peine sur la dunette, le capitaine ordonna que l’on distribuât du café noir fortement additionné de rhum, afin de stimuler un peu ses matelots. Lui-même en but une large rasade.

La distribution s’achevait, quand l’obscurité prit une teinte livide annonçant le retour de cette lueur qui, dans les régions arctiques, tient lieu de jour pendant l’hiver et ne dure que trois à quatre heures.

Les montagnes de glace flanquaient toujours le Caïman. et la plaine de glace suivait encore.

Soudain, Vernier courut à la proue, s’avança jusque sur le beaupré et regarda fixement devant lui.

Après quelques minutes d’un examen attentif, il se retourna, et les matelots purent voir son visage irradié par une joie sans borne.

— Camarades ! cria-t-il d’une voix vibrante, nous sommes sauvés !… je vois une terre à l’avant !

Des hurlements frénétiques saluèrent cette déclaration, et les matelots bondirent dans les agrès, afin d’apercevoir cette terre promise.

Les cris d’enthousiasme ne tardèrent point à retentir de nouveau à la vue d’une île qui, pour être de petite dimension, n’en était pas moins le salut.

Vue de la mer, cette terre semblait avoir cinq à six cents mètres de long ; quant à sa largeur, il était impossible de l’évaluer, même approximativement, car, après une sur-