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dans les glaces
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de toutes les poitrines oppressées. Mais bientôt un cri de terreur monta dans les airs : à deux cents brasses en avant du navire se dressait une agglomération de glaçons formant une barrière infranchissable. Vernier fit aussitôt mettre la barre au nord, afin d’éviter une rencontre mortelle avec la banquise qui lui barrait la route.

Il fallut bientôt changer de direction, car la banquise avançait, lentement, mais sans interruption. La barre fut alors mise sur le nord-ouest, où seuls, des glaçons se montraient, de petite dimension, mais plus nombreux que précédemment.

Après deux heures de marche, Vernier prit soudain une résolution. Avancer dans de telles conditions devait fatalement aboutir à une catastrophe ; aussi prit-il le parti de courir au sud-ouest afin de gagner le Pacifique ; là, tout danger aurait disparu. À son commandement, le timonier donna un vigoureux coup de barre, et le Caïman, pivotant en quelque sorte sur lui-même, s’élança dans une nouvelle direction.

La lueur qui éclairait la mer depuis quelques heures disparut bientôt, et les ténèbres enveloppèrent de nouveau l’infortuné navire perdu dans les confins du monde, frêle esquif que la main de Dieu semblait pouvoir seule protéger contre les dangers dont il était entouré. Soudain, Vernier cria d’une voix tonnante :

— La barre au nord !

Cet ordre était à peine exécuté que l’équipage épouvanté apercevait une chaîne de montagnes déglacé sur laquelle, sans la présence d’esprit du capitaine, le navire eût donné en plein.