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un sauvetage émouvant

— Voyons, Henri, songe à ce que tu es et comprends que nous devons donner l’exemple du courage et de la résignation.

— Fais montre de ton courage si tu le veux ; moi, je ne bouge pas d’ici… Quand mes souffrances deviendront par trop insupportables, un coup de revolver me tirera d’affaire.

— Henri !… dit sévèrement Vernier.

— Eh bien, quoi ? me donnerais-tu tort ?

Le capitaine posa une main sur l’épaule de son ami, et, le regardant bien en face :

— Henri, lui dit-il, je n’ai consenti à m’associer à ta folie que pour t’empêcher de commettre quelque funeste imprudence. Supporte patiemment l’épreuve que Dieu t’envoie et je pourrai peut-être oublier que ta fatale ambition a déjà causé la mort de plusieurs de nos compagnons ; mais si, au contraire, tu désertes lâchement en te réfugiant dans une mort honteuse, ma malédiction te poursuivra au-delà du tombeau.

Et sans ajouter une parole, il s’adressa à ses matelots.

— Mes amis, leur dit-il, il y a là-bas une forêt qui doit recéler pas mal de gibier. C’est le salut. Quels sont ceux qui veulent m’accompagner ?

Valentin et Loriot s’avancèrent en disant ensemble :

— Moi.

Vernier promena un regard rapide sur sa troupe et put se convaincre que si un prompt secours n’arrivait pas, c’en était fait de tous. Peut-être même, après cette halte, refuseraient-ils de se remettre en route.

Cette triste constatation ne fit que stimuler son énergie.