Page:Vigny - Théâtre, II, éd. Baldensperger, 1927.djvu/394

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
384
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

tion (16 février) : « le style est la partie remarquable de Chatterton, non pas qu’il soit toujours approprié à la scène, ni toujours exempt d’une certaine prétention ». En somme, une « élégie touchante », à laquelle, insiste le journal le 19 avril, a été fait un « succès de style et de détails ».

Les réserves ne manquaient donc pas, et Sainte-Beuve, sans méconnaître la portée du drame, ni son pathétique (Revue des Deux Mondes, 15 octobre 1835), se tenait à une observation qu’il glissera au bas de son article dans les Portraits contemporains : « Au lieu de peindre la nature humaine en plein, Vigny a décrit une maladie littéraire, un vice littéraire, celui de tant de poètes ambitieux, froissés et plus ou moins impuissants. » La chlorose littéraire, insinue-t-il aussi, mais dans le privé, est le fait de Chatterton. Saint-Marc Girardin de son côté combat sa thèse publiquement en Sorbonne.

La parodie trouvait là une proie merveilleuse. À la fin d’une imitation burlesque de l’Angelo de V. Hugo, le Cornaro de Dupenty et Duvert (Vaudeville, 18 mai 1835), Chatterton recevait son quatrain :

Chatterton qui se tue au lieu de travailler !
Et quelle est la morale enfin ? — un escalier !
Piquante allégorie, admirable symbole
Qui semble nous montrer comment l’art dégringole !

Des échos de Chatterton émurent le monde officiel, alors inquiet des revendications socialistes. Déjà mise en éveil par une intervention de Fulchiron, le 2 juin 1835, à propos des théâtres subventionnés et de l’absence de chefs-d’œuvre nouveaux, la Chambre des Députés, en sa séance du 29 août 1835, entendit, après un discours de Lamartine sur la censure théâtrale, les récriminations de Charlemagne, député de l’Indre, se plaignant que l’administration n’exerçât qu’un contrôle politique. Dans une lettre à la Revue des Deux Mondes, ce législateur revint à la charge. Car la question est devenue une affaire d’ordre pratique : Vigny la posera de nouveau à propos de Mlle Sedaine (1841). Balzac, de qui l’ardeur combative devait pourtant trouver « bien absurde » la solution donnée par Vigny à un conflit qu’il ne connaissait que trop, et qui discute là-dessus avec L. de Wailly, ne laisse pas de citer Gilbert et Chatterton, en 1836, dans son énergique défense des droits d’auteur, unique sauvegarde de l’écrivain.

Ch. Coquerel (Revue de Paris du 20 juillet 1835) consacre à