près des jeunes, et même parmi la Bohème. Des étudiants « émeutiers » de cette époque franchirent le seuil de Vigny, d’ordinaire assez distant (cf. Mettais, Souvenirs d’un médecin de Paris, 1863, p. 120 ; Aug. Challamel, Souvenirs d’un hugolâtre (1885, p. 177), etc). Ce fut un moment de popularité, ou presque : l’hommage des enfants perdus du Romantisme, les H. Moreau, les Murger, date de ce temps. Le personnage même de Chatterton bénéficia en France, à cette époque, d’une célébrité qu’il avait peu connue (Lord Chatterton de Th. Perrière ; A. Pichot, etc.).
Chatterton restera naturellement au premier plan des souvenirs de Vigny. La reprise du 9 mars 1840 (dix représentations), en lui apportant quelques approbations de choix, lui démontrera que sa voix continue à être entendue ; l’étranger joint de bonne heure ses applaudissements à ceux du public parisien. Et son Journal, en reprenant quelques-uns des problèmes liés au douloureux héros, « Chatterton spiritualiste » (7 mai 1842), « Chatterton a exprimé une des souffrances de l’âme au xixe siècle » ; plus tard « Conversation avec Napoléon III » sur Chatterton (1-5 mars 1858), témoigne d’une hantise continue. Plusieurs mesures efficaces ont été le résultat de son initiative : grâce à elle, les droits de la littérature à se défendre contre l’indifférence ou l’exploitation sont mieux compris ; diverses fondations et associations protectrices sont, à leur façon, des effets pratiques de l’intervention pathétique de Vigny. Sans doute parce que, pour lui, Kitty Bell s’identifiait avec Mme Dorval, le poète se montre assez peu favorable à toutes les reprises que souhaitaient, sans elle, directeurs et acteurs. Même après la mort de l’actrice en 1849, une sorte de superstition le détourne de risquer l’aventure : en février 1852, il s’oppose à ce que sa pièce soit reprise à l’Odéon. Non sans déférer à trois desiderata de la Censure en éliminant des allusions désobligeantes à l’Empire, Chatterton est joué au Théâtre-Français neuf fois en décembre 1857 et six fois en 1858 (avec Geffroy et Mlle Arnould-Plessy). Reprise en février 1877 avec Volny et Mlle Broisat, la pièce est alors reçue avec froideur par la critique, mais tient l’affiche pendant onze représentations. Elle a depuis, et non sans succès, servi d’échantillon romantique et comme d’objet de démonstration (1895, 1900, 1907). Une excellente reprise à la Comédie-Française en 1926, avec Mlle Ventura et MM. Fresnay et Dorival, permet à nouveau de l’applaudir.
Il n’est pas douteux que, pour le poète qui, disait Th. de Banville, avait été le représentant de « la distinction que tous les poètes ont