Page:Vigny - Théâtre, II, éd. Baldensperger, 1927.djvu/260

Cette page a été validée par deux contributeurs.
250
THÉÂTRE.

il n’y a pas si belle pensée à laquelle ne soit supérieur un des élans de ton cœur chaleureux, un des soupirs de ton âme tendre et modeste.

On entend une voix tonnante.
KITTY BELL, effrayée.

Oh ! mon Dieu ! encore en colère ! — La voix de leur père me répond là.

Elle porte la main à son cœur.

Je ne puis plus respirer. — Cette voix me brise le cœur. — Que lui a-t-on fait ? Encore une colère comme hier au soir…

Elle tombe sur un fauteuil.

— J’ai besoin d’être assise. — N’est-ce pas comme un orage qui vient ? et tous les orages tombent sur mon pauvre cœur.

LE QUAKER.

Ah ! je sais ce qui monte à la tête de votre seigneur et maître ; c’est une querelle avec les ouvriers de sa fabrique. — Ils viennent de lui envoyer, de Norton à Londres, une députation pour demander la grâce d’un de leurs compagnons. Les pauvres gens ont fait bien vainement une lieue à pied ! — Retirez-vous tous les trois… Vous êtes inutiles ici. — Cet homme-là vous tuera… c’est une espèce de vautour qui écrase sa couvée.

Kitty Bell sort, la main sur son cœur, en s’appuyant sur la tête de son fils, qu’elle emmène avec Rachel.