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ensuite à Clarisse, un instant après à Ophélia, quelques heures plus tard à Miranda. Elle me faisait verser du soda-water et me souriait avec un air de douceur et de prévenance, comme s’attendant toujours à quelque saillie extrêmement gaie de la part du Français ; elle riait même quand j’avais ri. Cela durait une heure ou deux, après quoi elle me disait qu’elle me demandait bien pardon, mais ne comprenait pas l’allemand. N’importe, j’y revenais, sa figure me reposait à voir. Je lui parlais toujours avec la même confiance et elle m’écoutait avec la même résignation. D’ailleurs, ses enfants m’aimaient pour ma canne à la Tronchin, qu’ils sculptaient à coups de couteau ; un beau jonc pourtant !

Il m’arriva quelquefois de rester dans un coin de sa boutique à lire le journal, entièrement oublié d’elle et des acheteurs, causeurs, disputeurs, mangeurs et buveurs qui s’y trouvaient ; c’était alors que j’exerçais mon métier chéri d’observateur. Voici une des choses que j’observai :

Tous les jours, à l’heure où le brouillard était assez épais pour cacher cette espèce de lanterne